L’esprit des formes

Ce travail a pour objet le design, c’est-à-dire — notamment — les formes. Cette thématique rejoint les préoccupations de la photographe pour la structure et la géométrie, essentielles à sa photographie. Elle interroge également notre perception du réel.

« L’esprit des formes » renvoie à la façon dont les formes vivent dans l’espace photographique, ce dernier étant constitué par le jeu des lignes, des volumes, des angles, des perspectives, des contrastes, des ombres et de la lumière. En expérimentant avec ces spécificités du langage photographique auxquelles elle adjoint les techniques de surimpression d’image, Françoise Lerusse réduit graphiquement les objets de façon à créer des espaces géométriques mais vivants, car elle part toujours d’une émotion. Elle fait vibrer l’image jusqu’à ce que le doute s’immisce sur ce qui est représenté. De cette incertitude émergent de nouvelles « entités » à la réalité purement photographique, car elles n’existent qu’au travers de l’objectif et de la perception de la photographe. Tables, chaises, lampes, escaliers sont ainsi libérés de leur statut pratique et fonctionnel pour laisser la place à de nouvelles formes subjectives et poétiques, sur lesquelles le spectateur à son tour projettera ses émotions ou ses interrogations, en particulier sur la réalité de ce qu’il voit.
« Présenter plutôt que représenter » : cette remise en question de la représentation parfois aux limites de l’abstraction s’inspire des recherches photographiques et graphiques du début du XXe siècle, en particulier celles de Rodtchenko, Moholy-Nagy, El Lissitzky ou encore Florence Henri.

Cette reconnaissance des modalités complexes de sa propre perception permet la mise à distance et une certaine relativisation par rapport au monde. La tolérance peut ainsi émerger. De même que le design et l’architecture visent à une harmonisation de l’environnement humain, Françoise Lerusse tente avec ces photographies de créer un univers intemporel qui puisse faire oublier un peu le chaos du monde, ne fût-ce que pour quelques instants.