lundi 1er mai 2017

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L’espace dans les plis

Œuvres de Hyo-Seok Jin

, Hyo-Seok Jin et Jean-Louis Poitevin

Hyo-Seok Jin, artiste coréen vivant en France depuis près de vingt ans, est installé à la croisée de deux traditions qu’il met en scène en situant sa pratique au plus près d’une des sources de l’art, celle qui mêle les eaux claires de la pensée pure aux reflets des formes qu’elle engendre.

Questions

Pour développer et déployer son œuvre, Hyo-Seok Jin se pose trois questions.
La première est de tenter de comprendre comment s’engendre l’espace.
La deuxième est de comprendre comment des images mentales peuvent devenir des objets plastiques.
La troisième est de parvenir à trouver le geste qui permet de montrer la cohérence entre espace et forme.

Espace, image, geste

Il faut commencer cependant par la seconde question car c’est bien à partir de l’inévitable non-coïncidence entre image mentale et réalisation concrète que se joue la tension qui anime la pensée artistique. Il y a un paradoxe de l’image. Ce n’est pas qu’elle ne ressemble jamais à son modèle, c’est que le modèle se révélant intransportable dans la réalité, il devient source de l’imagination et mesure du délire. Ici, la forme pure est de l’ordre des formes platoniciennes, des éléments à la géométrie simple, carré ou rectangle. En tant que telle, cette forme n’est rien qu’une matrice en sommeil. C’est de la rencontre avec un matériau, des dimensions, des éléments supplémentaires comme des couleurs qu’elle commence à faire résonner, dans la tension et la torsion, le potentiel créateur qu’elle porte en elle.

L’espace n’existe pas en soi. L’espace est la dimension de la pensée en tant qu’elle est appréhendée par un corps, entendons un système perceptif complexe. Mais l’espace est le lieu mental de la manifestation d’un paradoxe. Une fois perçu, il apparaît impossible de penser qu’il ne préexistait pas à sa manifestation.

Percevoir, c’est agir, car il n’existe pas de perception qui pourrait s’en tenir à une sorte de passivité idéale. Percevoir, c’est toujours répondre par un geste concret à un geste mental qui a pu se produire en nous malgré nous. Un geste n’existe que dans un système de coordonnées à trois dimensions, c’est en cela qu’il donne lieu à l’espace.

Plier, déplier, exposer

Il y a entre ce qui est pensé et ce qui vient sur la feuille comme dessin une inévitable torsion. C’est d’elle que naît l’idée du pli. Le pli est donc la dimension même de l’art en ce qu’il permet de passer du modèle parfait par essence, à l’objet réalisé. Ce dernier n’est pas imparfait mais affecté par le pli du passage par le geste et la matière.

Hyo-Seok Jin produit une œuvre qui se situe au plus près de ce problème : comment garder à la fois mémoire de la perfection mentale, ne pas ignorer la puissance du geste et conférer à l’objet réalisé la puissance propre qui appartient à chacun de ces deux mondes.

L’image pure ne peut s’approcher que par le reflet, ce qui ne veut pas dire comme reflet. Hyo-Seok Jin l’a compris qui a su donner consistance au reflet vide, c’est-à-dire ici à une conception de l’espace comme non encore engendré, à partir de jeux de recouvrements ou de glissements d’une surface sur une autre. Les couleurs sur ses panneaux lui ont permis de faire exister le reflet sans image et les panneaux, eux, ont pu faire exister une surface qui incarnait l’image mentale abstraite.

Il a ainsi pu associer comme surface ou comme volume ces formes pures portées par des surfaces colorées incarnant le mécanisme même de la double image. Déjà, dans ces œuvres, les lignes de séparation entre plaques ou entre blocs faisaient apparaître un autre jeu possible. La surface glissant sur une autre, la ligne recoupant une autre faisait émerger une forme nouvelle qui demandait à être agie. L’image « cassée » se révélait porteuse d’une autre dimension plus essentielle encore, celle du pli.

Les surfaces superposées révélaient par le jeu des reflets des laques sur les bois industriels une profondeur mentale et pas seulement un piège « narcissique ». Mais elles étaient aussi l’inscription sur la surface de la part dessinée de l’œuvre. La main se montrait ici à travers le trait. Elle pouvait désormais s’approprier le trait pour le révéler comme pli. Dans les œuvres les plus récentes, la couleur laisse la place au noir, le jeu des reflets au miroir de la nuit et la ligne dessinée à la succession des plis. Le geste est en fait celui qui consiste à étirer la ligne et à la révéler comme pli en dépliant la forme contenue dans le dessin. Composition 07 17 ou Composition 06 17 en sont la manifestation la plus précise.

L’espace peut dès lors être appréhendé d’un point de vue dynamique. Il ne préexiste à rien, il est ce qui se manifeste dans le « dépli » qui est l’action de passer de la forme mentale à son incarnation plastique. Il apparaît ainsi que l’espace est ce qui naît du geste capable de mettre en relation les figures de l’esprit et les réalisations matérielles, un geste dont le nom de code est le pli. Plier est ce qui a lieu malgré nous et en nous à chaque seconde, c’est le nom de la torsion entre psychisme et perception. Déplier est le geste par lequel l’art en inventant l’espace permet à la pensée de devenir monde en s’exposant, et s’exposant de devenir espace.

Les Séries
- Exposition personnelle de
Hyo-Seok JIN

20/04/2017—10/06/2017
Galerie Paris Horizon

203, rue Saint-Martin
75003, Paris
Tel : + 33 (0) 9 54 82 70 96
Mail : contact@galerieparishorizon.com