samedi 30 juin 2018

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Caracas Reset & Codez !

, Dominique Moulon

Le monde de l’art est en recherche constante de nouveaux modes de diffusion des œuvres et pratiques ou idées.

I – Caracas Reset

Le monde de l’art est en recherche constante de nouveaux modes de diffusion des œuvres et pratiques ou idées. Or, la Colonie compte parmi ces nouveaux lieux parisiens où l’on expérimente des modèles opératoires d’un autre genre. Elle a été initiée par l’artiste contemporain français Kader Attia dont on peut voir actuellement le travail oscillant entre l’intime et le monumental sans omettre le politique au Mac Val de Vitry-sur-Seine. Sur le site de la Colonie, il y est pudiquement question de « projets », comme celui dédié aux [Regards sur la création contemporaine vénézuélienne. Intitulé CARACAS RESET, cet événement des 15, 16 et 17 mai regroupe des conférences ou tables rondes qui s’articulent autour d’une exposition. L’occasion, aussi, de boire un verre en échangeant avec des artistes ou curateurs dont Rolando J. Carmona, à l’origine du projet. L’exposition, qui commence au rez-de-chaussée avec de la documentation, se poursuit à l’étage avec des œuvres ou installations comme celle de Yucef Merhi qui vit et travaille à Miami. Intitulée Maximum Security, elle a déjà fait couler beaucoup d’encre. Elle s’articule autour d’une correspondance. Car cet artiste vénézuélien a piraté la boîte mail d’Hugo Chavez en 1998 alors que celui-ci allait se présenter à l’élection présidentielle au Venezuela. Sans se faire repérer, l’artiste a patiemment archivé les échanges de celui qui allait plonger le pays dans une crise sans précédent. Les emails du président Chavez, il les a collectés, lus et relus, imprimés par milliers pour en recouvrir les murs de ses installations. Comme le ferait celle ou celui qui, dans le secret de son obsession, se prépare à l’action. Et l’action se répète au fil de ses installations visant à rendre public les méthodes de celui dont on sait maintenant les relations avec d’autres dictatures du monde. Quant à l’état économique du Venezuela, dans l’attente impatiente d’une amélioration qui se fait attendre, c’est un autre artiste qui nous en fait part. Il se nomme Beto Gutierrez et sa vidéo La Huntada (2015) met en scène une file d’hommes ordinaires se passant un stick de déodorant après s’en être servi. Ici, on pense à un rituel comme le monde de l’art sait les acclamer. Mais à Caracas, nous dit-on actuellement à la Colonie, il est bien des produits qui se font rares au point qu’on les loue pour des usages furtifs. Quand le manque induit le partage de celles et ceux qui n’ont d’autres choix que d’attendre les jours meilleurs qu’on leur avait tant promis.

Antoine Chapon & Nicolas Gourault, Faces in the Mist, 2017.

II - Codez !

La MAIF SOCIAL CLUB, régulièrement, renouvelle ses thématiques pour faire débat au travers d’expositions, performances, conférences, tables rondes ou ateliers. Depuis le 18 mai dernier et jusqu’au 2 août prochain, une injonction nous est donnée : CODEZ. En nous promettant d’aller « à la découverte de l’inconnu  ». Il y a, au tout début du catalogue de l’événement, une citation d’Arthur C. Clarke : « Toute technologie suffisamment développée se confond avec la magie  ». Quand nombreux sont aujourd’hui les artistes à user des technologies de leur temps pour en révéler la part de magie. Antoine Conjard, le commissaire de l’exposition Attention Intelligences ! en a réunie une dizaine pour autant d’œuvres à découvrir, décrypter ou expérimenter. Où l’on remarque l’installation Faces in the Mist (2017) d’Antoine Chapon et Nicolas Gourault. Elle se présente sous la forme d’une série de portraits de personnalités historiques qui ont pratiqué la prévision météorologie ou agi sur le climat et dont les visages sont masqués par des écrans. Les nuages défilant au-dessus des portraits sont scrutés en constance par une intelligence artificielle qui, ailleurs et autrement, s’évertuait à y détecter les visages. Inévitablement, elle en trouve, quand les succès de ses découvertes s’avèrent être des erreurs à nos yeux si l’on admet qu’aucun visage ne peuple nos nuages. Mais ce serait compter sans les conseils des maîtres anciens qui, comme Léonard de Vinci, conseillaient à leurs assistants d’exercer leur créativité en observant les nuages pour y déceler quelques présences ! L’un des portraits que le dispositif, parfois, croit reconnaître n’est autre que celui du mathématicien et physicien John Von Neumann. L’un des pères fondateurs de l’informatique moderne dont l’équipe scientifique réalisa la première prévision mathématique de la météo sur l’ordinateur ENIAC en 1950. L’architecture qui porte son nom est celle de l’essentielle des machines calculant actuellement les prévisions météorologiques que nos Smartphones savent nous offrir au réveil.

Lien :
La Colonie : http://www.lacolonie.paris
Caracas Reset : http://www.lacolonie.paris/agenda/caracas-reset

Lien :
CODEZ ! : https://lieu.maifsocialclub.fr/programmation/codez/
Faces in the Mist : http://nicolasgourault.fr/films/faces-in-the-mist

Couverture : Yucef Merhi, Maximum Security - Hugo Chavez’ Emails, Hacking on Paper, 1998-2004.