lundi 28 janvier 2019

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Grand rien et Petit tout dévalant les escaliers (de l’oubli)

L’inéluctable, une vidéo de Frédéric Atlan

, Frédéric Atlan et Jean-Louis Poitevin

En prenant pour élément d’analyse une vidéo courte de Frédéric Atlan intitulée L’inéluctable, Jean-louis Poitevin accompagne par l’écriture ce qui se produit à l’écran.

L'inéluctable from Atlan on Vimeo.

Qu’y a-t-il à voir ? Comment interpréter ce que l’on regarde, ce que l’on voit, ce que l’on a vu ? Des images en mouvement, et cela quel que soit le sujet et finalement le support, cinéma, vidéo ou animation, décrivent, toujours une relation agonistique. Identifier les combattants, leurs armes, les motifs de la lutte, tout cela est nécessaire si l’on veut tenter d’en percevoir les motifs, d’en comprendre les enjeux, de saisir les facteurs qui la motivent.

Ici, nous voyons un portrait en creux aussi bref que laconique de « nous ». Il ne s’agit pas d’une image dans un miroir, mais d’une scénarisation de séquences brèves décrivant quelques aspects de notre humanité. Le tout est emporté par une musique vive. Puis tout se calme. Les mêmes reviennent comme figés dans la glu d’un temps immobile. Et cela repart.

L’œil est convoqué avec ses clignotements incessants.

Supporté par un cosmos musical, le corps s’essaie ! Inénarrable gravité !
Puis comme pour souligner que tout cela n’était un songe, l’image s’avale elle-même par l’effet technique volontairement pervers d’une symétrisation insupportable.

Et puis il y a le titre donné par l’auteur : L’inéluctable.

Il dit que ce qui est montré relève de la catégorie des « données » contre lesquelles on ne peut pas lutter, auxquelles on ne peut pas s’opposer.

De quel combat s’agit-il alors, si c’est un combat qu’on en peut pas mener ?

Il s’agit de cette lutte que l’on mène non tant contre nous-mêmes comme sujet que contre nous-mêmes comme entités remuantes, gesticulant sans fin sous le ciel bleu du désespoir.

Et il y a à un moment, assez tôt, les escaliers.

Oh, ce n’est pas l’escalier Richelieu, autrement nommé Primorski ou encore Potemkine. Non ! C’est juste un escalier de pierre qui se laisse dévaler à l’image par l’image.

Alors quoi ? Quel est ce combat qu’on ne pourrait pas mener ? Quel est ce mur non représentable qui rendrait toute tentative vaine ? Et de quelle tentative s’agit-il, ou même s’agirait-il ?

Toute tissée d’images et de nuages d’imaginaire, cette tentative ne serait ainsi que fluidité insaisissable et manifestation insécable d’une activité si grandiosement vaine qu’aucun sens jamais ne viendrait troubler et forcer ?

Les images ici, creusent le silence au rythme du clignotement des paupières psychiques. Et, par un jeu mystique imprévisible, le pli se replie sur lui-même, avalant ce qu’il avait libéré en s’ouvrant, laissant grand rien et petit tout se retrouver en s’ignorant, s’ignorer en se retrouvant, absorbés l’un et l’autre par la faille sismique qui accole sépare et accole encore les nuées des images oiseaux et les certitudes imaginaires des aveux cloués au sol par la certitude d’avoir été.