vendredi 29 septembre 2017

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Et ce n’était pas qu’on allait quelque part

, Compagnie Awa

Et si nous quittions la sidération de notre regard sur les corps échoués aux rivages européens pour retrouver le mouvement d’une histoire qui nous est commune ?
C’est ce que propose cette traversée scénique d’après DreamHaïti du poète barbadien Kamau Brathwaite.

Voyage dans le temps et l’espace ; ce spectacle relie les traversées de ceux qui, aujourd’hui, s’élancent sur toutes les mers du globe, ayant pour seule fortune le courage de leur espérance, aux grandes traversées transatlantiques. Celle de la découverte du Nouveau Monde en 1492 et celles des Traites Négrières qui ont dessiné les relations d’altérité et de commerce qui fondent nos échanges aujourd’hui encore.

"Et ce n'était pas qu'on allait quelque part" conception vidéo Dani Abo Louh from Cie AWA on Vimeo.

ICI LA MER S’ATTERRE

comme si déjà je tournais les feuillets des vagues
pour une longue longue histoire du temps

Ainsi

nous étions tous là debout dans le silence éventé
de ce rêve — pas très proches l’un de l’autre bien sûr vu
qu’on était tous des artistes et étrangers les uns aux autres et pas des soldats des marins des nains comme il faut bien que j’insiste encore et à nouveau même si

nous étions tous dans le même bateau comme

DJ BLACK STALINE

l’avait dit il y a bien longtemps

& tous partis sur le même trip & la même pente de pont
& cela ne faisait pas de doute vu qu’il y avait des cordages
soigneusement ourlés & il y avait l’odeur du vent & du sel & de l’huile de vidange & la première chose qui aurait dû nous alerter que quelque chose d’inhabituel se passait en dehors de ce que nous aurions du être en train d’écrire c’était quand

Petite
Tête

apparaît sur l’eau comme une espèce de corps-bouée vivante de vie mais il n’y avait que son visage là en forme de sourire ou ce qui ressemble à un triangle souriant fait de fer blanc…


le soupir de l’esquif & nos pieds incess/ant résonnant arpentant
les marches de métal clouté d’une agonie étouffée souillée
a/ cette étrange odeur de quelque chose comme de l’huile de lin &
un espace confiné & la remem-
oration de cabines de mal-de-mer et du besoin de
gerber
& de devoir courir à tout prix se soulager dans l’
écoutille

ET où il n’y avait rien que nous pouvons faire à rien maintenant
qu’on était là dans le rêve du bateau dans l’attente disais-je
de ces

« réfugiés haïtiens »

dans un pays étrange

Extrait de DreamHaïti de Kamau Brathwaite édité en français sous le titre de RêvHaïti dans la traduction française de Christine Pagnoulle aux Editions Mémoire d’encrier – Montréal.