dimanche 31 juillet 2022

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Anna-Eva Bergman

, Suzanne Anger

Une visite à la fondation Hartung-Bergman, à Antibes et une présentation de l’exposition actuelle autour des œuvres d’Anna-Eva Bergman.

Au sein d’une oliveraie de deux hectares, un ensemble de maisons blanches comme on en trouve tant dans le sud de la France. Située sur les hauteurs d’Antibes, dans les Alpes-Maritimes, la fondation Hartung-Bergman ouvre ses portes au public de mai à septembre, trois jours par semaine. C’est donc presque par hasard que j’y entre, poussée par une envie de découvrir un peu plus le patrimoine de la région dans laquelle j’ai grandi, et que, honteusement, je connais encore si peu.

Pensée du vivant de Hans Hartung et Anna-Eva Bergman, la fondation est créée en 1994 et fonctionne depuis comme un centre de recherche, visant à permettre le rayonnement de leur travail en France comme à l’étranger. En 2022, la décision est prise d’ouvrir une exposition au public, Les archives de la création, visible du 11 mai au 30 septembre. L’exposition est divisée en trois parties : une salle de projection commune aux deux artistes, puis d’un côté, l’atelier et les tableaux de Hans Hartung, et de l’autre, l’espace consacré à Anna-Eva Bergman. Dessinatrice hors pair, cette dernière a tout pratiqué : gravure, peinture, illustration, huile, ou encore aquarelle. Il est même possible d’envisager sa pratique de la peinture comme située à la limite de la sculpture, ses toiles texturées pouvant s’apparenter à des bas-reliefs. L’exposition propose une rétrospective du travail de l’artiste montrant l’évolution de son travail au fil des étapes de sa vie et des thématiques qui l’ont animée.

Anna-Eva Bergman, N°26-1962, Feu 1962
Huile et feuille de métal sur toile 250 X 200 cm Collection Fondation Hartung-Bergman

L’exposition a lieu dans les ateliers du couple d’artistes. Ces grands espaces, exposés plein nord, offrent une lumière continue, diffuse et homogène aux tableaux et dessins présentés. Autant de lumière naturelle pour la contemplation de tableaux est un luxe, car cela nous permet de saisir pleinement les couleurs et les sentiments exprimés dans les toiles. En effet, la lumière est une thématique centrale du travail de Bergman. En plus du choix de la ville d’Antibes, l’orientation des fenêtres de son atelier n’est pas une décision anodine, elle lui permettait d’avoir accès à tous types de luminosités et de couleurs tout au long de la journée. Cette fascination pour la lumière se retrouve aussi dans les techniques utilisées : le travail du métal, que ce soit à la feuille d’or, d’argent, de cuivre ou encore d’aluminium, a eu pour vocation d’exploiter au maximum la luminosité naturelle. Inspirée des grands peintres de la Renaissance et des artistes viennois tels que Klimt, Bergman va se former au travail de la feuille métallique, puis va progressivement s’éloigner du traditionalisme de la dorure pour venir peindre, gratter, frotter, superposer les mediums et ainsi laisser apparaître la sous-couche de couleur mélangée aux reflets métalliques. De cette façon, chaque tableau est un monde en soi, concept qu’elle appelle un « perpetuum mobile ». Le spectateur tourne autour de la toile comme s’il cherchait à découvrir tous les aspects d’un monde, toutes les facettes du tableau. Le mouvement, mais aussi le changement d’éclairage naturel ou artificiel, nous permet d’appréhender les reflets, les variations de lumières, de couleurs, le volume et la texture du métal gratté et déformé. Le changement d’atelier de Paris à Antibes conduit justement Bergman à libérer sa pratique, le gain de place lui laissant l’opportunité de s’essayer au grand format.

Anna-Eva Bergman, N°11-1960, Grande vallée 1960
Huile et feuille de métal sur toile 200 X 300 cm Collection Fondation Hartung-Bergman

De la thématique de la lumière découle la question du temps et du voyage. Artiste suédoise et norvégienne, Anna-Eva Bergman a longtemps vécu en Espagne, en Allemagne, et enfin en France, à Paris et à Antibes, des années 70 jusqu’à sa mort en 1987. Femme multiculturelle, la nostalgie de son pays d’origine se ressent dans ses toiles où la Norvège est présente, des tableaux à l’allure mélancoliques. Cette présence se retrouve dans les émotions ressenties mais aussi vis-à-vis de ce qui est représenté : le paysage se distingue dans les œuvres « abstraites », notamment par la présence d’éléments récurrents. La nuit, symbole de nostalgie, a fait l’objet de toute une série, et l’eau est présente sous plusieurs formes, la pluie et les vagues. Dans ces toiles, nous assistons à un choc entre l’inspiration de la nature et l’apocalypse civilisationnelle : Bergman opère un retour aux sources, un retour à l’inspiration minérale et archaïque. Les paysages norvégiens sont par conséquent de plus en plus présents, faisant écho aux paysages maritimes azuréens. En visite à Antibes, nous profitons des lumières du Sud, et nous imprégnons des souvenirs du Nord.

Anna-Eva Bergman, N°67-1966, Grand océan, 1966
Vinylique et feuille de métal sur toile 250 X 200 cm Collection Fondation Hartung-Bergman
Vue de l’exposition
Les archives de la création © Claire Dorn
Portrait d’Anna-Eva Bergman, Minorque, 1933
Photographie Hans Hartung

« Les archives de la création »
Exposition du 11 mai au 30 septembre 2022
Fondation Hartung-Bergman
Adresse : 173 Chem. du Valbosquet, 06600 Antibes
Tél : 04 93 33 45 92
https://fondationhartungbergman.fr

Frontispice : Anna-Eva Bergman, N°26-1955 Quatre formes, 1955, Huile sur toile, 81 X 100 cm, Collection Fondation Hartung-Bergman