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Moyen-Orient
Voyage dans un mirage
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Demain, la majorité des habitants de la planète vivra dans des villes. Mais quelles villes ?
En février 2023, j’ai navigué dans Dubaï.
« Navigué », comme sur le web, car Dubaï a tout d’un monde virtuel. Cette ville-concept a été planifiée et construite en plein désert, sur trois générations. Tout y est très soigneusement dessiné, les nœuds routiers, les chemins de fer, les blocs d’immeubles avec leurs pièces d’eau et leurs palmiers. Rien d’imprévu. Dans ce monde de développeurs, on se sent dans une épure ou une maquette d’architecte, à l’image de celles qui sont fièrement exhibées dans différents lieux publics. Ou dans un univers de science-fiction.
Car l’ambition du cheik actuel est d’offrir au monde « le meilleur du futur » ainsi qu’on peut le lire dans son livre et sur les panneaux visibles un peu partout dans la ville. Dubaï est propre, lisse, fonctionnelle, performante, technologique et ultra connectée. Elle n’est ni tactile, ni odorante, ni bruyante malgré les trois millions d’habitants et la circulation intense. Et ce qui accentue encore son aspect aseptisé et comme désincarné, c’est qu’en raison de son climat extrême elle s’appréhende le plus souvent derrière des vitres : vitres teintées presque noires des voitures, vitrages anti-uv des immeubles d’habitation, des passerelles piétonnes, des tours de bureaux, des « sky view » pour touristes ou des voitures du métro aérien.
À Dubaï, l’ordre règne, tout est contrôlé. Les écrans sont partout, les policiers aussi. Aberration écologique aux coûts humains exorbitants, la ville se veut un modèle. Cette réalité deviendra-t-elle la nôtre ? Sous quel contrôle et dans quelle artificialité accepterons-nous de vivre ?
Un jour peut-être les archéologues retrouveront-ils la cité ensevelie dans les sables, ou s’évanouira-t-elle comme un mirage, aussi soudainement qu’elle est apparue.