LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue, n°82


Éditorial

On pourrait presque trouver une certaine beauté à cet effondrement de tout et à sa représentation permanente sous forme de gloire éternelle n’était un certain goût de brûlé dans tout ce qu’on boit et mange.
« Dans ce monde officiellement si plein de respect pour les nécessités économiques, personne ne sait jamais ce que coûte véritablement n’importe quelle chose produite : en effet, la part la plus importante du coût réel n’est jamais calculée ; et le reste est tenu secret. »
« Le destin du spectacle n’est certainement pas de finir en despotisme éclairé. »
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle

Ce numéro 82 clôt un mois de mai qui s’est enlisé dans la soumission par le respect d’on ne sait pas trop quel impératif catégorique.

Jean-Yves Cousseau, au terme du temps long des maturations humaines pour des projets improbables mais essentiels, suite à une lettre que lui avait envoyée Guy Debord avec qui il était lié d’amitié, est parvenu à réaliser dans la lignée de son travail artistique un livre (Art3 Éditions) remarquable par la justesse de ton, les choix de textes et bien sûr les images qui se déploient comme un poème empreint de réalisme magique. Dans sa Logiconochronie N XXVIII, Jean-Louis Poitevin présente et analyse cet ouvrage de manière à rendre sensible sa pertinence et son actualité et à prolonger ses réflexions sur ces moments de l’histoire que sont les événements de 68 et cette époque ardue dans laquelle nous errons.

Jean-Louis Poitevin publie la dernière partie d’un essai ancien consacré à une relecture singulière de l’œuvre de Guy Debord et à l’analyse du « décept » dont il est dit qu’il « est la forme que prend le dispositif de la conscience au moment où celui-ci se laisse recouvrir entièrement par un dispositif qui lui est en tout point semblable à ceci près qu’il ne se base plus sur aucun lien avec l’expérience vécue mais sur la version hallucinée du monde transcrit par les images. Le décept est l’ombre portée de la conscience malheureuse devenue abîme. »

Bernard Perrine nous offre la seconde partie de son travail sur 68 en évoquant en images et par une longue réflexion le mois de juin et les suites du mouvement, en particulier du point de vue de la reconnaissance de la place et de la fonction de la photographie dans la société. Signe des temps, l’ouverture d’un cours de photographie au centre expérimental de Vincennes en 69.

Dominique Moulon nous rapporte de Boston un texte précis et sans concession sur l’exposition Art In The Age Of The Internet, 1989 To Today à l’ICA de Boston. Il y présente entre autres choses le travail de Seth Price, une installation, Still, Five Hooded Men with Seated Man de 2005 dans laquelle « les pliures du film polyester transparent accroché à même le mur complexifient quelque peu notre lecture de l’image qui provient d’une séquence vidéo d’exécution comme il en circule sur l’Internet. Son traitement en deux couleurs, laissant apparaître quelques pixels altérés, trahit les manipulations qu’elle a subies sans toutefois perdre sa charge émotionnelle due à l’horreur de la situation. Elle appartient à un corpus de d’images que l’essentiel des instances contrôlant l’Internet tente de réguler bien qu’elles parviennent à se frayer un chemin vers des regards avides d’obscène. »

TK-21 LaRevue
poursuit la publication de l’entretien avec Zaven Paré, un artiste plasticien et roboticien français vivant au Brésil qui aujourd’hui, nous emmène dans un univers de bricolage hautement technologique où faux-semblants et effets de présence se mettent au diapason d’une société flageolante, doutant de sa propre humanité.

TK-21 LaRevue se réjouit de proposer la première partie de l’entretien que nous accordé il y a quelques semaines Luc Bachelot, spécialiste des grandes civilisations antiques du croissant fertile entre Tigre et Euphrate et théoricien actif autour de la question des images. Il nous offre ici en un raccourci saisissant un voyage dans ces mondes que la folie perverse de nos états détruit et avec eux les traces des plus anciennes civilisations, celles sans lesquelles nous ne serions rien.

Jean-Louis Poitevin présente le travail que le jeune artiste Floryan Varennes a réalisé pour l’exposition Straight Battlefield, qui s’est déroulée à l’AFIAC, Drac Occitanie / Maison des métiers du cuir, à Graulhet. Floryan Varennes a choisi de déployer le fruit de recherches prenant leur source dans une certaine approche de l’univers médiéval. Dans cette exposition, le médiévalisme s’impose comme le cadre général d’un ensemble d’installations épurées et symboliques, un monde qui, dans notre imaginaire, est peuplé de tournois, d’étendards, de combats singuliers, de couleurs, de désir et de sacré.

Artiste d’origine danoise mais vivant en France depuis des décennies, Jan Sivertsen expose ses dernières œuvres du 6 juin au 15 juillet 2018 à la Maison du Danemark. Ce qu’il importe ici de mentionner, c’est que Jan sivertsen est peintre. Pour lui, comme le remarque dans son texte Jean-Louis Poitevin, peindre est une opération à la fois affective et intellectuelle en ceci que les gestes qui portent la peinture, lorsque le peintre est « absolument » peintre, trouvent leur source et leur aboutissement dans l’invention de ce pays où penser et vivre, voir et savoir entrent en résonance.

TK-21 LaRevue accueille une nouvelle fois Kza Han, comme traductrice aujourd’hui, qui nous offre un livre remarquable mais épuisé et qui est ici ressuscité pour nous. Il s’agit de La nuit de la chenille arpenteuse, de Han Ha Un, accompagné de cinq illustrations en noir et blanc de John Cristoforou. « De très loin, de très loin, depuis un temps incalculable est-ce le son qui pleurait, le son de la flûte en os d’homme ? »

Avec Déflagration - Qu’est-ce qui a bien pu se passer ?, TK-21 LaRevue ouvre à nouveau sa porte au photographe Xavier Pinon qui nous livre une partie d’un travail en cours dans lequel, avec son sens inimitable de la dérision, il nous donne à voir littéralement des points de la carte du monde où des déchets et des ruines jeunes s’amoncèlent, endroits que nos regards fuient comme la peste et qui sont pourtant de notre présence au monde la signature la plus indélébile. Ce travail est également à suivre dans Corridor Éléphant.

Notre échange avec Corridor Éléphant se poursuit, ce mois-ci avec la publication des photographies de Christophe Vandon, une série intitulée, De l’Après, qui pose le principe de lire une situation, un lieu par le biais d’un filtre, spatial, qu’il soit clôture, vitre ou simple enchaînement de volumes interdépendants.

Fidèle à TK-21 LaRevue , Jae Wook Lee s’interroge sur un phénomène actuel à New York, la présence massive d’artistes orientaux, en train d’y exposer à peu près en même temps. Avec son esprit empreint de précision mais toujours avec une pointe d’humour, il analyse en détail et le phénomène et les oeuvres que ces artistes présentent.

Tout aussi fidèle à TK-21 LaRevue la poétesse et curatrice Laetitia Bischoff présente un travail qui est montré à Salzbourg, Down to the Ground de Paul Wallach. Cette œuvre marque le point d’orgue du passage de l’artiste de la micro-sculpture au monumental, presque sans transition. « L’humain qui visite les œuvres de Paul Wallach est toujours hors d’échelle et c’est de cela qu’elles tirent leur force et leur spécificité. » Cette œuvre est aussi une invitation à l’envol.

Alain Coelho poursuit son décryptage de l’univers où il a passé son enfance, la Tunisie et nous livre avec Chambre des orages, le troisième chapitre de ce long texte intitulé Images d’Aurore. « Dehors, dans l’ombre, battaient l’orage et les vents. Les flots déferlaient sur la baie de Tunis dans le noir. Il semblait parfois que mon esprit était dehors, était devenu le dehors, s’était mué en le port de Tunis, du côté de la mer du Levant, derrière les lucarnes en haut du mur de ma chambre. »

Suivons encore une fois Joël Roussiez dans son œuvre de déchiffrement inspiré de chapiteaux moyenâgeux qu’il fait passer pour nous d’image à texte avec une maestria salutaire.

Pour clore ce Numéro 82, TK-21 LaRevue s’associe à CORPS, ENCORE, une manifestation qui se tiendra du 8 au 11 juin au Non-Lieu Usine Cavrois-Mahieu, 17, rue Montgolfier à Roubaix. Ces rencontres (exposition, tables rondes, performances) ont lieu à l’initiative de Eun Young Leepark et Pascale Weber et avant de pouvoir prendre connaissance dans un numéro à venir de TK-21 des réalisations qui y auront lieu, il est ici possible de prendre connaissance du programme détaillé et des activités de l’ensemble des participants.


Photo de couverture : Xavier Pinon - Déflagration

De nombreux problèmes subsistent encore pour des utilisateurs de Safari. Le mal semblant être profondément ancré chez Apple, nous vous conseillons de lire TK-21 sur Firefox ou Opéra par exemple.
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