LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue n°108


Éditorial

« La plus grande faiblesse de la pensée contemporaine me paraît résider dans la surestimation extravagante du connu par rapport à l’inconnu. »
André breton L’amour fou

Pas de repos pour les acharnés qui participent à la réalisation de chacun des nouveaux numéros de TK-21 LaRevue et parmi eux de ce nouveau numéro 108. Celui-ci s’ouvre sur un document d’anthologie un entretien absolument inédit avec Hermann Nitsch, grande figure de l’art européen. Autrichien, il est l’une des figures du mouvement historique des années soixante, l’actionnisme viennois.

Du nouveau, toujours du nouveau... dans TK-21 LaRevue

À l’occasion de son exposition à la galerie RX, intitulée The Shape of Color, Hermann Nitsch a eu la générosité de nous accordé un long entretien réalisé par Hervé Bernard et Jean-Louis Poitevin. Il y évoque les divers aspects de son art et en particulier les dimensions esthétiques et philosophiques de son « Orgien Mysterien Theater », de sa musique et de ses actions, mais aussi évidemment de sa peinture. Ce moment rare et d’une grande intensité, uniquement accessible sur TK-21 LaRevue, sera présenté sur grand écran à la galerie RX lors du week-end des galeries qui se déroulera les 2, 3, 4, 5 juillet.

TK-21 LaRevue accueille un nouveau venu Laurent Grison. Plus connu pour ses travaux critiques en esthétique et histoire de l’art, il nous livre aujourd’hui une lecture inattendue et particulièrement efficace de la dimension politique que peuvent prendre les images dans un contexte particulier. Ici, celui de « la présentation de la Ve République, à Paris, en 1958, dans une mise en scène qui croise la mémoire et le symbolique » et qui s’inscrit dans la ville conçue comme « un lieu majeur de confrontation entre l’histoire et la mémoire. »

La galerie Vanities propose pendant tout l’été 2020 une grande exposition personnelle de Silvère Jarrosson. Nous publions à cette occasion l’un des textes qu’il a commencé à écrire sur la pratique picturale et la sienne en particulier. « Je voudrais peindre comme un enfant endormi sur le ventre, être cet esprit guidé par ses rêves, dans un état second. La nature humaine parle à travers ces enfants artistes. Ils en sont la voix. »

Clément Borderie, artiste actif mais dont la présence est rare en galerie, présente à l’occasion de la sortie d’un livre sur son travail, Les Bosons de L’art de Ghislaine Rios et Clément Borderie, une exposition personnelle à la galerie Jousse entreprise, intitulée le laisser-faire. Elle permet de prendre toute la mesure de ce travail singulier, hors norme et peu connu. Domitille d’Orgeval, dans son texte note que « pour Clément Borderie, l’individu créateur, moins qu’un producteur direct de formes ou de style, est une sorte d’intermédiaire visant à rendre visible l’imperceptible, à matérialiser l’éphémère. »

Proches et lointains

Jaewook Lee notre collaborateur régulier installé en Arizona nous fait parvenir un texte sur le travail d’un réalisateur coréen Onejoon Che. "The film pays attention to the modern relationship between North Korea and African countries, which is lesser-known in most Western countries. Che traces historical diplomatic supports of North Korea to Africa in the 70s and 80s. The documentary focuses on the monuments, statues, and buildings built by North Korea in Africa since the 70s." Ce regard décalé nous permet de mieux appréhender ce qui se joue aujourd’hui autour des questions raciales qui remuent le monde.

Nous sommes heureux de pouvoir présenter ici un texte relatif au travail considérable et inventif de Pierre-Jean Giloux. Les films du cycle Invisible Cities sont des portraits de villes nipponnes, superposant des images filmées et photographiées de la réalité quotidienne, sociale et urbaine, à des images virtuelles. Ils ont été produits par Grégory Lang. Dans son texte Dominique Moulon montre que « le mouvement japonais métaboliste des années soixante et soixante-dix incluant Arata Isozaki et Kisho Kurokawa dont on reconnaît les utopies architecturales Cluster in the Air et Helix City qui se seraient multipliées aux abords et dans la baie de Tokyo » joue un rôle majeur dans la production de ces images qui nous plongent malgré leur « réalisme » indéniable, dans une forme de monde pluriel ressemblant en tout à certains des univers inventés par des auteurs de SF comme Philip K. Dick.

Maria Cossato, porteuse du projet Déambulations Créatrices est une artiste plasticienne, responsable artistique de ON-OFF studio. Pour la réouverture de son espace, elle permet à la galerie de s’adapter via son potentiel créatif. Actrice réactive et citoyenne, la galerie redouble d’imagination pour garder le fil avec l’Art, levier moral précieux du confinement. Aujourd’hui, il est nécessaire de se réapproprier les outils, l’espace et le temps. Les idées émergentes retenues devront répondre à l’échelle humaine chère à ON-OFF Studio. L’exposition est à voir jusqu’au 31 juillet.

Nous suivrons, dans une courte vidéo, les pas d’Aldo Caredda qui pour son #5 de Lost in the super market, a choisi de déposer une de ses empreintes après avoir gravi les escaliers du Musée du jeu de Paume.

Images : paysages, portraits

Dominique Merigard, lui-même photographe, nous fait entrer dans le monde de Christine Delory-Momberger qui, écrit-il, « documente autant son monde intime que celui qui l’entoure. La force de ses photographies tient dans le fait qu’elles semblent jaillir de la nuit, tels des flashs mémoriels souvent plus proches du cauchemar que du rêve, où les êtres se révéleraient être de petits fantômes. » Une signature le 9 juillet à la galerie La nouvelle Chambre Claire permettra à chacun de découvrir le livre Le pouvoir de l’intime dans la photographie documentaire de Christine Delory-Momberger et Valentin Bardawil, et publié aux éditions Arnaud Bizallon.

« En Seine Saint-Denis les immeubles portent l’histoire de leur territoire, entre monde ouvrier et ghetto identitaire. Immédiatement identifiables, ces cités, stigmatisées, symbolisent la banlieue. » Nathalie Hubert, présentée par Corridor Eléphant, par un travail photographique intense « isole les bâtiments de leur contexte. L’habitation devient fantomatique, proche de l’abstraction. » On se retrouve alors « À mi-chemin entre réalité et fiction, les immeubles se dessinent lentement, transgressant le paysage qui les entoure. »

Mélanie Dornier nous propose avec Urban Chinese Landscape une déambulation dans les ruelles des villes chinoises qui lui font vite percevoir une transition, un point de non-retour. « La région est sur-industrialisée, je suis à l’écoute de son âme. » Pour réaliser ces images elle a eu « besoin de donner une texture, luminosité au ciel chinois souvent morose ».

Esthétique et philosophie

Pour l’avant dernier chapitre de son ouvrage publié en exclusivité par TK-21 LaRevue, Pedro Alzuru nous livre la suite de ses réflexions sur les quatre séminaires de Michel Foucault, enseignés entre 1980 et 1984, formant une unité spécifique, soulignant l’unité de toutes ses ultimes recherches. Pedro Alzuru distingue à son tour entre les grandes figures de la pensée, le rhétoricien et le « parrésiaste ». « Le rhétoricien est un menteur efficace qui oblige les autres ; le parresiasta est un locuteur courageux qui dit une vérité avec laquelle il met sa vie et sa relation en danger ». Du cœur de la philosophie antique remontent vers nous et notre époque en proie à une accélération du mensonge devenant irrésistible, des effluves qui leur confèrent une actualité pour le moins brûlante.

Jean-Louis Poitevin poursuit avec sa Logiconochronie XLVIII, sa réflexion au long cours sur les images. C’est à une compréhension de ce que le Moyen Âge invente du côté des images et de l’image que ce moment de la réflexion portée par ce texte tente de nous introduire. « L’image devient ici une figuration à la fois du mystère et de la puissance de déchiffrement de la pensée. Et c’est ce que l’on pourrait appeler un processus de spatialisation nouveau. »

Littératures

Werner Lambersy nous livre dans ce numéro la seconde partie de son texte intitulé Nous avons tous une fenêtre sur la mer (Ruy Belo), un ensemble de méditations brèves et percutantes qui nous rapprochent de l’énigme qui nous hante et dont on trouve ici une formulation des plus précieuse, simple et juste : « Je ressens pourtant avec une violence charnelle qu’il y avait un avant, mais avant quoi, qui m’échappe à tout jamais et dont on ne veut pas que j’oublie les feux d’artifices ».

Joël Roussiez poursuit son déchiffrement poétique de quelques chapiteaux du musée des Augustins de Toulouse. On y découvrira entre autres choses que « La main sur le ventre caresse ainsi sans toucher l’âme sinueuse d’une pierre qui passe sous le couvert des formes et féconde l’impression. » L’ombre du mystère plane encore sur ces pierres si hautes que l’œil doit se projeter au plus loin de lui-même pour parvenir à la percevoir.

Alain Coelho nous propose « Déroutes du magicien », le neuvième et dernier chapitre de la seconde partie de son ouvrage Images d’Aurore. Il reviendra à l’automne pour les quelques ultimes chapitres de cette saga tunisienne qui nous fait découvrir à travers l’enfance et l’adolescence du narrateur, la vie d’une ville Tunis et d’un pays qui nous restent pour l’essentiel aujourd’hui encore bien mal connus. Aujourd’hui, nous sommes à l’école avec Madame Ida, « la belle institutrice que j’avais connue avec mon grand-père sur la grande avenue de Tunis près de la Porte de France, vint leur faire une sorte de classe où tous les âges se trouvèrent confondus, et je m’y trouve un jour mêlé au nombre des enfants. »

 


Photo de couverture : Melanie Dornier, Urban Chinese landscape 01

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