LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue, n° 53


Éditorial

C’est de nous dont il parle ?
« Une société qui agirait tout en demeurant aveugle à ses propres actions. Une société dépourvue de tout sens critique sur elle-même, et donc aussi dépourvue de toute alternative stratégique à ce qui est en train de se passer. Une société sans recul sur le cours des choses et sur celui de ses actions. Une société dont la marche une fois lancée deviendrait prévisible, inexorable, inflexible. Une locomotive lancée sur le rail de ses actions, qui n’en finirait plus d’engendrer des chaînes de causalité en boucle, sans disposer de cette faculté autorisant l’exploration d’alternatives et donc la création d’autres possibles futurs. Une société perdant la possibilité de générer des actions spontanées, de modifier ses stratégies et de réviser ses objectifs. » [1]

L’année se termine, grise et ensanglantée. Faire cette revue c’est agir, parce que, agir c’est faire. Pour ce dernier numéro de l’année 2015 TK-21 LaRevue poursuit sa réflexion sur les images aujourd’hui en présentant cette fois encore quelques nouvelles figures, inconnus ou si peu connus, jeunes ou non, gens de tout bord dont la caractéristique commune est qu’ils creusent le ciel et la terre, en mesurent l’immensité, en déploient les mirages et les mystères.

Tant de voies n’ont pas encore été explorée. L’année prochaine sûrement.

Avec Logiconochronie IV, Jean-Louis Poitevin poursuit sa réflexion sur les fondements de l’ontologie et les strates qui concourent à la formation du croire comme base de notre rapport aux images, ici en proposant une lecture d’un court dialogue de Platon : Hippias mineur.

TK-21 LaRevue accueille dans une vidéo réalisée par Hervé Bernard l’une des premières destructions auxquelles se livre l’artiste Gérard Gartner en amont de la grande destruction qui aura lieu le 16 janvier 2016 à Douarnenez. En effet cet artiste tzigane a décidé, au croisement de convictions fortes, de détruire l’intégralité des 240 sculptures qu’il a réalisées sa vie durant. Ce geste provoque souvent questions, hauts le cœur, angoisse et dépit chez les autres. Mais pour lui c’est un geste juste et noble. Regardez et écoutez, laissez passer sur vous le grand vent de la destruction.

Nous publions la seconde partie de l’entretien réalisé par Hervé Bernard que nous a consacré le psychanalyste et penseur des images, Serge Tisseron, un moment de pensée exigeante et vivante qui nous révèle les arcanes de notre relation si puissante, de notre dépendance aussi, vis-à-vis des images.

Michaël Duperrin a décidé de se rendre dans les endroits où Ulysse a séjourné durant les dix ans de son voyage de retour, tel du moins que les grands hellénistes l’ont reconstitué. Il se donne dix ans lui aussi pour explorer les lieux d’hier en montrant comment ils se présentent aujourd’hui et en racontant ce qu’il y découvre. TK-21 LaRevue propose une première plongée dans cette œuvre en cours, magique, bleue, expérience du monde et quête spirituelle.

TK-21 LaRevue rend un hommage à un de ses amis disparu. Jacques Robert était photographe. Il laisse une œuvre basée sur le décryptage des mondes imaginaires qui affleurent en nous à la vue de fragments de réalité aux allures de chair vive. Jean-Louis Poitevin regarde une série inédite d’images qu’il nous avait confiées avant de disparaître.

Jaewook Lee nous entraîne dans les arcanes d’une réflexion sur le temps à travers l’œuvre de Duane Linklater un artiste travaillant entre autre avec une imprimante 3D et qui nous fait éprouver combien « The past is not really the past until it has been registered, because the past has no meaning or existence unless it remains as a record of a by-gone present ».

TK-21 LaRevue le connaît pour ses textes. Hannibal Volkoff réalise aussi une œuvre photographique protéiforme autour des gens de sa génération. Aujourd’hui, TK-21 LaRevue propose la présentation par Jean-Louis Poitevin de trois images réalisées pour la circonstance, une exposition collective sur le thème « Ça ira mieux demain » qui se tient à la galerie Anouk Le Bourdiec.

Martial Verdier avec Xavier Pinon, dont vous pouvez toujours voir et revoir les série magistrales intitulées La vie formidable dans les numéros 29, 30 et 31, posent la question de la vision artistique du FN à travers une série d’images d’un défilé de majorettes en Normandie.

Hervé Bernard célèbre à sa manière avec des images allégoriques quasi christiques, les 150 ans de cette invention française à la pérennité déchirante, le fil de fer barbelé.

Étienne Diemert prolonge ses réflexions sur le paysage en nous faisant découvrir l’effet de bord propre au littoral de la mer du Nord à travers une image de Guillaume Fandel.

Déjà présente comme photographe, c’est comme sculpteur et auteur d’une installation vibratile et rayonnante que revient Louise Frydman. Elle a réalisé dans la cour de l’Hôtel de Croisille La fée des pétales, œuvre que chacun peut voir librement durant la journée, rue du parc royal.

Clémentine Ader, spécialiste des arts sonores nous fait découvrir une œuvre étrange du jeune artiste Bertrand Lamarche, dont l’enjeu est de rendre « présent » un souffle sans que nous puissions l’entendre tout en ayant la possibilité de le « voir ».

Hannibal Volkoff présente ici une réflexion sur l’exposition « Beauté : un point de basculement ». Il s’agit, à travers les œuvres de Kiki Xue, d’Ari Rossner et de Jean-Robert Franco, d’ouvrir une piste de réflexion sur le cheminement dialectique par lequel la beauté, subissant l’ébranlement de ses attributs, se révèle et se meut.

Laetitia Bischoff à travers deux courts poèmes répond à ce que des images ethnographiques anonymes provoquent en elle, en nous, lorsqu’elles nous parviennent. Ici, photographie se vit comme un nœud temporel et spatial. Elle offre des rencontres par-delà les mers et les ans.

TK-21 LaRevue clôt son numéro 53 et l’année 2015 par la publication d’une courte prose de Joël Roussiez qui, une fois encore, nous invite à voyager dans les plis de la langue et à affronter des « atrocités distraites des pièges tendus dans le bois, le fer, l’eau, le feu au-dessus de la vie insouciante toute occupée d’elle qui va mourir, meurt et disparaît sans retour… »

À l’année prochaine !