vendredi 28 juin 2019

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Eva Alonso

Objets urbains

Buenos Aires

, Christophe Galatry et Eva Alonso

La photographe nous met face à une sorte de classement à tiroirs multiples. Elle n’oublie pas l’élément central de la ville mais élabore une multiplicité de pistes comme pouvoir de dissection et de révélation.

D’emblée, les photographies de Eva Alonso s’expriment par leurs regards sur une ville. Cette ville de Buenos Aires que la photographe parcourt chaque jour, elle-même habitante de cette métropole de plus de 14 millions d’habitants.
Ce qui caractérise son travail n’est pas tant une approche formelle et plastique de l’image qu’une recherche sur le sens profond de son sujet photographique. Le questionnement de l’espace public et des objets qui le composent. Objets abandonnés, objets mystérieux, ou de survie que son regard croise à travers la ville.

Mais ce faisant sa photographie permet une autre lecture. Au fil de ces images elle les laisse monter dans une transcendance incarnée, comme si elle voulait les révéler autrement, leur donner une sorte d’âme bien vivante par éclat lumineux qu’ils n’auraient jamais eu. Mais par contraste la ville et son architecture apparaît tout autour de l’objet révélé par ceux-ci.

Eva Alonso semble jouer un geste anthropologique dans sa façon de faire face à ces formes, leur donnant un récit pour chacun d’entre eux. Identification, inventaire sans classement apparent de rencontres ‘at the corner’. Elle nous désigne, nous déroule une histoire tirée d’un bout de trottoir finalement rattaché à ce que ces objets portent comme abandon échoué mais encore incarné d’une certaine forme d’humanité parfois brisé.

Elle nous offre des pistes-hypothèses comme autant de marqueurs de l’état de cette ville et de l’expression de son quotidien. Telle que la forme urbaine, celle de zones oubliées, déconstruites, ou closes par panneaux métalliques, parpaings, portes à moitié murées. Une ville dont les rues semblent habitées par des fantômes assez proche d’univers tels qu’on pouvait les voir dans ces images de films en n&b des années 1950 ou 60’ encore vides de toute voiture (Voir Alain Resnais). Telle aussi que qu’une tentative de mesurer la trace d’une souffrance humaine devinée à travers certains objets (matelas, couvertures cartons…) dont on ne peut tout à fait comprendre s’ils sont abandonnés pour toujours ou juste le temps que leur propriétaire ne soit parti tenter sa chance du jour pour revenir la nuit tombée retrouver cette maigre protection, cet ultime confort.
Il y a une part de mise en scène dans son travail, la façon dramatique d’éclairer la scène et donner une lumière presque théâtrale sur les objets focalisés. Tout autour l’ombre n&b semble vouloir déjà reconquérir la scène. Le dispositif est répétitif et sans échappées.

La photographe nous met face à une sorte de classement à tiroirs multiples. Elle n’oublie pas l’élément central de la ville mais élabore une multiplicité de pistes comme pouvoir de dissection et de révélation. Sa photographie est un moyen pour Eva Alonso d’exprimer la part d’une inconscience que contient et crache cette ville de Buenos Aires. Une cartographie mentale la plus large possible, incarnée par son architecture, produit comme rejets mais aussi inventivités en son sein.

Voir en ligne : https://www.instagram.com/alonso.eva/