Exotismes et rêves de l’Autre

Tel est l’enjeu de cette exposition présentée jusqu’au 1er Juillet au Centre d’art de Royan par l’agence Captures et l’artiste Gaëtan Léon. Une pensée consacrée durant une vie à l’image et à la photographie au sein d’un projet qui risque les agencements. Une mise en scène de dispositifs démultipliés qui s’apparentent à la vocalise ou à l’art de la fugue (du latin Fuga : fuite), où des lignes se dessinent, glissent entre elles en contrepoint, et se croisent.

Composé tel un ballet de formes visuelles et sonores, une centaine de photographies du Maghreb et du Moyen-Orient de 1860 à 1914 dialoguent avec des œuvres contemporaines. Ces photographies anciennes représentent une partie de la collection d’Alain Fleig, exposée en France dans plusieurs centres d’art et de photographie. Au-delà d’une restitution historique, il nous invite à questionner le statut de ces images aujourd’hui, et la relation complexe qu’elles entretiennent entre l’art, le document et le commerce. Patrick Roegiers dans le journal « Le Monde » en 1988, à l’occasion de l’exposition "EXOTIQUES", évoquait en un certain sens, un autoportrait d’Alain Fleig ; où, "fondée sur l’idée d’accumulation, l’expérience confronte le réel et sa représentation » (…) « Sous l’apparence touristique des clichés de voyage, il s’agit d’une rêverie sur la mémoire et le visage des lieux ».

Pour autant, la poésie, prolongeait Alain Fleig, « y est toujours subtilement présente, peut-être celle de l’exil, une sorte de mélancolie qu’on prend à tort, parfois, pour de la nostalgie, et un intérêt sincère pour qui est là, devant l’objectif et si lointain pourtant. Ce différent inconnu et qui semble plus vrai, plus justement humain, peut-être parce qu’on le sent non pas prélevé (et forcément annulé), mais restitué : cette dimension de l’Autre. »

Ni passé, ni projection dans l’avenir, seul le présent de l’image nous est donné ici à voir : le Présent, dans sa double acception, interrogeant la notion d’exotisme et ironisant sur elle. Le Présent, à la fois comme Cadeau, ce legs par Alain Fleig d’une des plus importantes collections en Europe par sa richesse et la qualité de conservation des photographies, mais aussi le présent : celui que la photographie interroge à chaque instant …

Dans ces photographies, contrairement à ce qu’affirme Roland Barthes dans La chambre claire : « cela n’est pas » et « n’a jamais été. »

— Alain Fleig : « Cela pourrait être ! »

Tout est constructions, « simulacres », juxtapositions de « points de vues » (nom donné par l’inventeur de la photographie Nicéphore Niépce), qui ne rencontrent que la subjectivité de notre perception et ainsi nous affectent.