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Départs de feux — IV/IV
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C’est un pays
De brumes immobiles
Il n’y a pasDe balcon aux façadesSeulement des rideauxDes reps cramoisisAux crémonesOn allume les liseusesEn plein jourParfois dehorsOn croit entendre crierComme on héleUne chaloupe invisible
Chaque secondeDes milliards d’étoilesS’éloignentEt meurent éparpilléesDans l’ombreEt retombent sur nousQui tenonsÀ cette lumière chaudeQui de si loinÉclaire et nourrit l’âmeOù nous mouronsSolitaire et dans le noir*La fève porcelaine de la luneDans la galette des roisN’est pour personneOn la rangera dans la boîte oùCompter les planètesEt les annéesLa couronneChange de tête comme tourneLe zodiaqueMais la fêteRestera un peu triste pour celuiQui n’a rien*Un soleilAux doigts de midinette surLe clavier ivoire d’un accordéonDe couleurs joue la musetteDu matinLe vieux loupGris aux épaules d’enclume et deFourrure en colèreHurle deboutSur l’horizon et rameute la hordeAux crocs de guillotineVers les épais fourrés de l’espaceEt je m’éveilleComme ces baguettes fines qu’onAgite et qu’on humePour reconnaître quelles odeurs deFougère et de sous-boisDorment et flottent en boule auprèsDe moiRien d’autre à cet instant ne compte
La mouette peinte en boisD’éclisse bat des ailesDans la chambre d’enfantOn l’a fabriquée en prisonL’enveloppe qui va loinTimbrée d’oiseauxExotiquesFut pliée au long des longsJours par des femmesDe tous âgesQui ne s’en iront pas avantLe tempsEt je prends le plateau tièdeDu repasPour partager le mensongeD’une lumière*Le ventDanse à la cordeDans la cour déserteDe l’écoleNoms et datesGriffonnés à la craieS’effacentEt les cœurs gravésDans les troncsD’arbresLe temps estUne curieuse écorceLa chorale des piafsÉchappe aux griffesL’herbe folle pousseComme les gossesC’était hierLa nuit là-haut en a laChair de poule*Et des dieuxInconnus qu’il proclameDu fond des âgesMonte le grondementQui surgit des abimesDes hordesSauvages galopent surLes toits deTôle noire où célébrerLes ténèbresDes terrassesDu temps et du balconFragile de la vieNous contemplonsInquiet les astérisquesSans texte de la nuit
C’était un après-midi ensoleilléLes femmes et les hommesSemblaient faire partieDe la même généreuse humanitéAu zoo les singes criaient moinsFort occupés qu’ils étaientÀ se chercher des pouxPar esprit de généreux voisinage*Le marteau-piqueur du pénisDépave les ténèbresOn glisseDans la fente de l’ombreLa pièce qui permet de resterLes derniers corbeauxDe la tendresse sont gardiensDe parkingBarrière automatiqueDe l’horizon ! Venise sombreDans un clapotis d’eau*Chaque jourJ’assassine le cielJe le jetteDans les poubellesBlêmes du jourChaque jourOn me condamne àMortOn souffleLa lanterne du soleilOn lanceLe pain bis de la luneAux oiseauxLe songeRépand la brume desMandarinesDes fêtes de l’enfance*La terre bouge et le soleilEt tout le resteJ’ai donc beaucoup bougéLongtemps sans rienFaire d’autreMais il sembleQue j’ai oublié des bagagesSur la plage où je dormais !Il faudrait yRetourner mais la terre et leReste bougentComment savoir où c’est ?AlorsJ’ai créé la compagnieTransatlantique des radeaux
Les poseurs de rails de l’horizonN’ont pas fini la ligneLes tunneliers du temps avancentLe port du casque demeureObligatoireLe camion benneQui évacue les astres a versé dansLe virageSon chargement gît sur la chaussée*Les buches dans l’âtre bavardentEt chuchotent avecLes cendresHommes et graviersSous le même râteau de lumièresLe ventDécoiffe les épouvantailsL’ombre fait les poches de l’arbreLa plaine n’a plus rien à se mettreSous la pluieLes nuages se bousculent commeDes moutons de plâtreMa bouche avaleLes fumées en spirales de ma pipe*Nous habitonsSur le dos d’une baleineBleueDe loin on pourrait croireAvoir à faire à une îleTranquilleQui vogueDans la houle de l’espaceParfoisElle plonge vers les fondsEt nous disperseParfois elle saute joyeuseDans l’écume etDanseEt nous revenons le tempsD’accrocher polypesEt madréporesPour conclure un arrimage
Le soleil couve sa nichéeDe poussinsMimosaOù la lumière pépieEt crie le bec grand ouvertLes champs aux genoux deVelours terreuxSe relèventPour regarderFleurir le coton des nuagesLe blé vert de l’air frisquetSe penche à ma fenêtreJe suis amoureux*Nous ne savons pasVivreApprendreExige trop de tempsOn nous retire ce quiDureCe qui dure ne laissePas de tracesLa mort estUne muleta d’ombresSans toreroLe sable du soleil boitNos pasLe cielEst le dos d’une tortueDe merQui abandonne sa ponte*Mon pied droitN’est pas meilleur queMon pied gaucheOrphéeN’épluchait pasLes patates de B. BrechtCendrarsPrêtait aux angesLe bras qui lui manquePour cueillirLes roses de R.M. RilkeC’est dans les chambresDe bonnesQu’on mangeLes meilleures lentillesQuand on a faim d’aimer*Bouddha Jésus Jehova MahometÉtaient des métèquesNos bibliothèques en sont pleinesPareilles aux arbresCroulant sous des fruits exotiquesPlus surprenantsQue les jardins discrets de VeniseOu le génomeHumain qui rend proche des porcsOu même encoreDu Saint Jérôme que tant on peint
Terreur qui dortDans la chambre souterraineDu vieux volcan(Personne n’y pensePendant les courses le matin)Le chaos y cuit ses confituresLes couvre de la celloD’un ciel d’azurEt les rangeDans le haut du bahut de l’airPersonne n’y penseEn plongeant le soir la cuillèreÀ dessert du crépuscule*Du sang du rouge j’en donneJ’en prends ça circuleC’est comme un coup de luneÀ la terrasseDe l’écoutille d’une brasserieOù s’arracher aïeLe sparadrap têtu sur chaqueEcchymose du jour*L’amour courtEn socquettes de laineEn chaussette jusqu’au genouPuis en jeansPuis jambes nuesPuis croise du nylon qui crisseEntre les cuissesDanse sous des jupes plisséesQu’on enlève d’un zipDont la mue traîneAu pied d’un lit lorsque le cielMontre ses orteils roses*Près du lac poissonneuxDe mon désir deFemmesJ’écoute le ploufNocturne de carpes et deGrenouillesIl va faire beau !Les grues au-dessusDes chantiers l’ont promisLes filles flottentComme de grands calicotsDe fête foraineLe clair matin a rangé prèsDu soleil les autosTamponneuses des nuagesLes femmes clignotentComme des étoiles de néon
Le vitrage des tours lanceSes ventouses dePoulpeVers l’os de sèche du cielCourts-circuits électriquesDu moulin à café desConstellations*La lune de ma lampeDe chevet porteUn crêpeL’ouragan chevaucheLe mondeFerré de feu il galopeSur les toitsDe tôle des massacresEt retenant mes pleursJe m’accrocheAux marsouins joyeuxQui nagentAu fond de ma fenêtreNoireOù penche mon inutileDésordreParmi les planètes quiNaufragent*Elles posentLeur maigreur de railsAbandonnésEt marchentSans se retourner versLe videIncommensurable estLa tristesseDes défilés de modeEt la danseMacabre que dandineSur l’estradeUne mort qui déguisePour plaire auxPlus richesUne jeune beautéQu’on sacrifie au fric*Pourquoi se rappelerLe jour le siècleOu l’heureMarquer d’une pierreÉcrite la routeQui ne mène nulle partQuand on est bienLà sous un arbre la têteÀ l’ombreLes pieds dans l’herbeSans demanderCe que trille la merlette
Déjà les moineaux piqueursDe miettes au piedDes tablesNous manquent cruellementLes papillons autourDes buddleias perdus au fondDes terrains vaguesNous manquent cruellement*Fenêtres vides des citésPas de musicien de ruePas de gamins qui rientDes autos qui attendentAinsi que des poissonsDans un aquarium carréCependant épis rongésDu maïs de l’aube jetésSur d’humides bitumesMénagères aux jours deMarché cabas au coudeEt châle croisé de lainesLa vie n’étant plus queL’habitude de promettreAu temps un pot-au-feu*D’AfriqueAu superbe cul de pastèqueD’Asie auTétin à peine de lychee pâleOccidentalesAux calandres chromées deFormule unFemmes en chaton de saulesAux boubous de crépusculesAux jeans-fuseaux de fusainVille enfin vivante avant lesRimmels fuyants de la fouleQuand le visage de chacunePrend des ridesDe nouveau-né langé de cielD’ici que pleuve la chair dePoule d’une nuitSur les chaumes de ma peau
« Nous n’avons au fondQu’à être là » (Rilke)Parmi les ondesLes particules les sonsLes couleursQue l’on n’entend ni neVoie pas plusQue l’ange des parfumsParmi les voixLa parole les signes duSpectre étroitDans ce tohu-bohuNocturne appelé espaceDans ce chaosQu’on désigne ténèbresTroupeauPerdu entre adrets ubacsSommetEt l’abime où personneNe règne sansUn grand cri hurlé seul
Départs de feux – Un recueil inédit de Werner Lambersy, accompagné de 11 reproductions de peintures d’Emmanuelle Renard.
140 pages. Format : 21,5 x 22,7. Titrage : 300 exemplaires sur papier Rusticus 120 gr, dont quatorze exemplaires de tête enrichis d’une œuvre originale du peintre.
Prix des exemplaires courants : 30 €. Prix des exemplaires de tête : 170 € (frais de port inclus).
A commander directement à partir de notre site (http://www.editions-tipaza.com) ou par la poste à notre adresse, Éditions Tipaza – 82 Avenue du Petit Juas – 06400 Cannes, accompagné de votre règlement par chèque.
Illustrations : détails — Jean Dubuffet