LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue, n°70


Éditorial

Entre le passé et notre époque, la différence vient de ce qu’actuellement, tout est photographié. Il n’existe plus de misère cachée, toute misère étant devenue chose publique.
Cela a pour seul effet que tous s’y habituent plus facilement.
Naguère, on pouvait faire semblant de n’en rien savoir. Aujourd’hui, on fait semblant d’être impuissant, sachant trop de choses.
Toutes les conversations, même celles entre amis, sont devenues plus hypocrites. Trop de sujets alimentent l’indignation. Chacun, chaque jour, apprend toutes sortes d’horreurs.
Mais celui qui en conclut que rien ne le regarde, précisément parce qu’il y a trop de choses, sait néanmoins ce qui se passe. Ni un sourd ni un aveugle ne sauraient y échapper tout à fait, et même un idiot sentirait qu’il y a de quoi trembler, ne serait-ce que pour soi-même.
Ainsi, tout instant de fausse quiétude est une hypocrisie sans fond.
Élisa Canetti, Le territoire de l’homme.

Après les agapes du Numéro 69, un numéro 70 plus resserré, mettant en avant quelques habitués de la revue.

Jean-Louis Poitevin poursuit avec sa Logiconochronie XIX son exploration des points de chauffe de la subjectivité, ici avec un texte sur la chance qui fut publié en son temps dans la revue Nuke.

TK-21 LaRevue
ouvre ses portes à [quotidien d’atelier], un projet hors norme de Stéphane Mortier qui a déjà filmé trente artistes dans leur quotidien de travail. Nous nous associons à ce projet dont nous présentons aujourd’hui les premiers exemples, premier moment de l’intégrale à jamais impossible puisque ce projet se veut sinon infini du moins interminable. Stéphane Mortier répond à quelques questions qui permettent de mieux appréhender ce projet sur lequel nous reviendrons plus en détail par la suite.

Jeanne Susplugas est toujours présente avec la troisième des quatre parties de l’entretien qu’elle nous a accordé. Elle y poursuit sa méditation sur l’art et la fonction de l’artiste tout en nous envoûtant par son approche, si singulière et si proche de chacun, de la maison comme manifestation la plus directe de ce qu’est notre subjectivité. Une installation d’elle est toujours à expérimenter à la galerie Vivoequidem à Paris.

Frédéric Atlan poursuit son exploration de l’improbable qui gémit au cœur de la pensée à travers des images aussi apparemment vaines que réellement révélatrices, et nous livre aujourd’hui avec Ne vois-tu rien venir, une méditation sur le clinamen que déplie un texte de Jean-Louis Poitevin.

Nouveau venu dans la revue mais photographe possédant une longue et multiple expérience, Jean-Christophe Ballot présente des images inédites qu’il expose actuellement à l’abbaye du Thoronet. Ces images des lieux de sépulture des Toraja en Indonésie sont une manière de nous faire revivre une expérience devenue pour nous obsolète, celle de la rencontre avec la mort, avec des squelettes, avec le passage dans l’au-delà et les négociations que cela implique tant pour le mort que pour les vivants. Un texte de Jean-Louis Poitevin accompagne ce voyage dans des grottes aux allures de grand théâtre baroque.

Alain Nahum nous a offert une série d’images qu’il a réalisées à la station de RER Nation au fil des mois. Jean-Louis Poitevin tente de déchiffrer le message que la réalité nous transmet à travers ces images et qui concerne une mutation sinon de la foi du moins de ce qu’autrefois, du temps de Pierro della Francesca on appelait miséricorde.

Roma Napoli revient seule sur la scène, c’est-à-dire sans Dow Jones son acolyte du groupe 10/10, avec un travail photographique pour lequel elle met en scène des petites poupées masculines de GI ou action man, dans de véritables dispositifs de représentation. Ceux-ci articulent nos codes culturels en même temps que leurs ruptures. Cette pratique a été longtemps dépréciée par les théoriciens et les critiques de la photographie. Les créations de Roma Napoli, qu’elle nomme à bon escient "Tableaux photographiques" se placent naturellement dans cette pratique. Elle exposera en juin à la Galerie de Stéphane Mortier.

Nouvelle venue, Catherine Benas, suite à son exposition à l’espace Icare à Issy-les-Moulineaux, nous présente un aspect particulier de son travail autour du mouvement et de la danse à travers des œuvres conçues en relation avec la notation Laban, travail qui sera présenté, cette fois, au Hall du Centre Hépato-Biliaire de l’hôpital Paul-Brousse
à Villejuif.

Fidèle à sa relation avec la Corée, TK-21 LaRevue présente à travers un texte de Jean-Louis Poitevin, le travail de Suh Youngseon qui exposera en juin et juillet à la galerie La ville a des arts. Ce travail centré sur l’urbain et les attitudes des hommes dans la ville au quotidien établit un pont avec nos mythologies personnelles dont on peut dire qu’elles trouvent sous le pinceau de cet artiste une nouvelle formulation entre affirmation fière et tangage inévitable.

Lætitia Bischoff vient de faire un court mais intense séjour sur le cercle arctique. Elle en a rapporté un entretien qu’elle a réalisé sur place avec Géraldine Trubert qui, grâce à ses différentes expériences géographiques, (Terre-Neuve, Bréhat, Islande, Écosse, Suède), habite un lieu caractéristique de son territoire – par son emplacement et son architecture – et éprouve son environnement par ses évolutions et ses constructions. Ainsi, elle remarque que « Aujourd’hui, en résidence en Suède, le lac gelé me permet d’éprouver le paysage que j’avais « mentalisé » dans PAROI. »

Bon voyage donc !


Photo de couverture : Alain Nahum
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