mercredi 1er mai 2013

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Rome - Fragments de paysage

, Antoine Tricot

Recomposition d’une image de Rome par la juxtaposition de fragments choisis.
— Rome – 2011-2012 – Antoine Tricot

La photographie est une excuse. Pourquoi sinon traîner dans les arrières cours des villes ? Lever le nez en l’air ? Bâiller aux corneilles à l’écart du flux ?

— La simple possession ostensible d’un appareil photo autorise le passant à se faire flâneur.

— L’appareil est un laisser-passer qui permet l’absence de but. La reconquête d’une liberté perdue.

— Sans cet artifice, toute déambulation oisive est suspecte.

Au moment où mon miroir se relève sèchement, que les lames du rideau s’ouvrent et que ma pellicule s’expose à la lumière, est-ce que je contemple encore ? Ou bien suis-je à un autre niveau d’action que le flâneur ? Je n’influe pourtant pas sur le paysage que je capture.

La ville me fascine. Pas seulement pour ses grandes lignes urbaines. Ses sur-construits aux longues perspectives.

— La ville est une agglomération de détails. Un grand ensemble stratifié de choses associées. Une œuvre commune. Un paysage collectivement élaboré. Un amassement d’empreintes.

— Rome surtout. Avec ses murs antiques au rez-de-chaussée, médiévaux au premier étage, modernes au dernier. On peut percevoir dans ces agencements la coprésence de tous ses constructeurs successifs et simultanés. De tous ses habitants.

Je descends dans la ville comme je vais au musée. J’ai devant les yeux une exposition immense où tout est œuvre. À la fois créateur, acteur et public. Je me taille mes cadres, mes tableaux, mes images. Des petits bouts de ce grand commun que je laisse exposer quelques microsecondes et que je ramène chez moi. Des petits bouts d’espace public enfermés dans mon espace privé. Autant de fenêtres qui me relie à autrui.

Loin des itinéraires touristiques. Je marche sous le mur du Vatican. Il n’y a que moi. Le silence. Une fin d’après-midi ou la lumière se fait dense. Chaude. L’exaltation des photos qui résonnent. Un sentiment enthousiaste de liberté.

Je me créé un itinéraire personnel. Je recrée une ville. Loin du bruit. Un paysage que je me suis approprié. J’ai effacé le reste. J’ai raturé et j’ai mis de côté. J’ai choisi une ville, parmi d’autres. Une ville que personne ne voit. Sauf moi. Une ville intérieure. Un paysage mental. En fragments.

Des bribes de représentations intimes.