Ourika : première héroïne noire de la littérature française

Dans son roman « Ourika » publié en 1823, Claire de Duras donne la parole à une jeune Sénégalaise, qui, échappant à l’esclavage à l’âge de deux ans, est donnée en cadeau à la princesse de Beauvau. Elle vit dans l’hôtel particulier du même nom à Paris aux côtés de Charles, le petit-fils de sa bienfaitrice et mère d’adoption. Elle a une enfance heureuse et choyée au sein de l’aristocratie de la fin du XVIIIᵉ siècle, dont elle épouse tous les codes, jusqu’à ce qu’elle découvre, à l’âge de quinze ans, son irréductible différence : juste la couleur de sa peau, qui ne lui permet pas de se marier.

Cette année, deux cents ans après la première édition du livre « Ourika » publié alors anonymement par Claire de Duras, les éditions Gallimard sortent en format poche un recueil des œuvres complètes de l’auteure : « Œuvres romanesques » (Folio Classique Gallimard). Le texte « Ourika », qui faisait pleurer Goethe en personne, était tombé dans l’oubli pour revenir à nous dernièrement, et il est désormais programmé ou proposé en choix pour le bac de français.

Un texte qui faisait pleurer Goethe

La comédienne et metteure en scène Elizabeth Tamaris a adapté ce texte en prose en proposant une performance théâtrale — presque confidentielle — au théâtre Darius Milhaud, interprétée par Marie Plateau, artiste métisse « arabo-franco-tchadienne », fondatrice de l’Association Mélane, qui a produit plusieurs spectacles liés à la diversité.

Elizabeth Tamaris parle de ce texte avec enthousiasme : « Claire de Duras était une aristocrate cultivée, tenant, sous l’Empire puis pendant toute la période de la Restauration, un brillant salon où se croisaient les gens les plus éminents de l’époque : politiques, artistes, savants, hommes de lettres, comme Madame de Staël, Benjamin Constant, et bien d’autres, comme Chateaubriand, son meilleur ami. »

Très traumatisée par les drames de la Révolution, Claire de Duras avait une nature hypersensible et s’est retirée pour écrire. L’histoire réelle qu’elle connaissait de cette jeune enfant sénégalaise, élevée dans la famille de Beauvau, et morte à seize ans, bien qu’élevée et aimée comme une enfant de la maison, l’a fortement inspirée pour son premier roman. Pour la première fois dans la littérature française, elle a donné la parole à une jeune femme noire.