dimanche 20 février 2011

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Les Ambassadeurs

, Martial Verdier

Les Ambassadeurs sont une galerie de portraits

Portraits de l’invisible, les images, physiques et poétiques, se superposent.
Ainsi Les Ambassadeurs sont-ils les doubles, illusoires, des modèles.
Ces apparitions fantomatiques, inattendues, venues de l’au-delà de la pellicule, que capturent ces calotypes, apparaissent en laissant la forme disparaître sous sa « correspondance » photographique.

Les Ambassadeurs sont un moment de vie, commencé un été dans un jardin, comme un jeu. En plein travail sur les natures mortes, les visites d’amis imposent comme une évidence de les photographier et transforment les mises en scènes inanimées en scènes du vivant. Mais, l’esprit reste le même et c’est l’idée de la représentation de la vanité qui va me guider.

Le titre s’impose rapidement, ce tableau d’Holbein me questionne depuis longtemps, car la photo est par essence une anamorphose et c’est un portrait de vanité. Quand en 94 je suis en Corée avec d’autres artistes, en ambassade culturelle, il prend un double sens et gagne en pertinence.
La série continue à Paris avec les artistes d’Artsenal qui viennent du monde entier et pendant les cinq années qui suivent elle s’étoffe pour finir au Zimbabwe par le portrait de l’Ambassadeur de France.

Poser ici n’est pas un acte anodin, s’établit d’abord une discussion avec le modèle sur les 15 min d’immobilité que je réclame, se détacher du siècle pour méditer pendant ¼ d’heure fait hésiter…
Mais, il faut aussi accepter ma vision qui va aller chercher une autre image que celle du miroir indiciel de la photographie contemporaine.
Cette séquence de vie, hors de l’instant décisif, est une mini-performance où l’acteur sent dans son corps l’image qui se fait.
Dans un lieu discret, jamais tout à fait clos, les modèles posent dans la contrainte acceptée de la stricte l’immobilité, le monde autour d’eux bouge et quelquefois les interpelle, mais ils sont un paradoxe, intangible dans l’agitation du vivant.

Les Ambassadeurs correspondent à un modèle plus imaginaire que réel, le sujet et son image fantasmée.
En ces temps de passeport biométrique où règne la confusion absolue entre l’image et son objet, obscurantisme à ce point pathologique que même le sourire est banni, mes modèles correspondent plus qu’ils ne ressemblent. On ne fait pas la confusion entre le modèle et sa représentation. Les Ambassadeurs ne sont que des images.

Elles ne portent donc pas le nom du modèle, mais une cote et des initiales pour les organiser et les identifier.
Mais, l’identité du modèle n’est pas secrète, elle ne sera simplement pas publiée et les auteurs qui étaient présents ou à qui j’ai pu nommer les modèles et décrire les séances de pose s’en sont quelques fois inspiré.

Voir en ligne : Martial Verdier « Les Ambassadeurs »