mardi 31 mai 2016

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Gunakri

, Joël Roussiez

Soignant les bouquets de l’arbre à souhait, le bol à la main, la Princesse se penche avec concentration sur les fleurs.

Que pourrais-je souhaiter pour moi, n’ai-je pas tout ? Le paon s’agite sur la corniche de l’avant toit, la brise souffle doucement. J’entends ta voix au fond de mon oreille, où es-tu ? Je m’occupe auprès des jarres d’or, deux sont auprès de moi, l’une est pleine de vertu mais elle cache une âme obscure, crois-tu que les jarres aient une âme ?

– Le lotus n’en a-t-il pas ?
– Bleue est l’âme du lotus…

Noirs sont tes yeux, Princesse, et dans les vagues lointains, je me lamente et attends mon retour… Que souhaiterait une princesse si ce n’est son amant ? Dans le bol, elle recueille des pétales, chacune ouvrira une porte : il y en à cinq jusqu’à moi ; les autres sont au nombre de dix, c’est deux fois plus…

Mais des deux jarres dont elle prend soin, la deuxième aussi contient un bouquet. Que souhaiterais-je encore ? Son âme est pleine d’obscurité et lorsque je me penche, les reflets sur son ventre forment parfois comme deux yeux. Où est-il celui qui cache sa vertu ? Dix portes sont sur moi et cinq jusqu’à moi sont ouvertes déjà…

– Princesse, je suis le silence qui se propose à tes désirs.

Je pense à l’un, je pense à l’autre ; le plus fin est sombre et l’autre bleu, bleus, c’est ainsi que sont ses yeux. Les portes sont ouvertes, lequel en premier les franchira ? J’arrose vos présents, deux jarres d’or où trempent vos bouquets. Que voudrais-je souhaiter que je ne souhaite déjà, que tous deux viennent l’un et l’autre puis, comme je prends soin de leurs fleurs, qu’ils arrosent tour à tour la chambre de mon corps. Mais cela se peut-il ? L’homme n’est-il pas comme le paon qui s’agite au-dessus de mon toit ?