dimanche 1er octobre 2023

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Cécile Degouy

de l’éclat aux pattes d’araignée

, Cécile Degouy et Geneviève Hergott

Des dessins où il est question d’éclat qui pulvérise, d’araignée qui agrippe, de chevelure qui emmêle et rassemble ce qui est épars.

Corporalité 1
24x32 cm, dessin collage, 2022


—  Geneviève Hergott : Pour commencer, peux-tu nous dire brièvement d’où vient ta pratique artistique ?

Cécile Degouy : En fait depuis toute petite le dessin et la peinture sont présents dans ma vie. C’est une sorte de respiration, à défaut d’être à l’aise avec les mots. Ça vient de mes lectures, des illustrations que je voyais dans mes livres d’enfant.

— Quelle place le dessin occupe-t-il dans ta pratique ?

Je ne pourrais pas dire quelle place a le dessin dans mon existence, sinon qu’il est assez salvateur.
Parce que je dessine tous les jours, du moins j’essaie, quand ce n’est pas le cas ça me manque vraiment.

— Tu travailles sur deux supports : le papier et la toile. Qu’est-ce qui fait que tu vas privilégier le papier à un moment donné ? La différence entre les deux pour toi ?

Je peux utiliser le papier avant de commencer un format à la peinture, mais aussi et surtout pour noter des idées que je vais continuer à travailler par la suite... Ainsi certains motifs, certains signes vont par ce processus devenir récurrents, ou bien se transformer et devenir autre chose...

Incertitude 2
24 x 32 cm, dessin collage, 2021

— Comment le dessin, la composition s’élabore ? Peu à peu ou très vite ? Des esquisses sur lesquelles tu t’appuies ? Des carnets de croquis, de dessins... définitifs ou pas ?

Je dessine surtout sur des carnets de différentes tailles. Comme je le disais, c’est des notes d’idées que je vais préciser, une image que je vais reprendre... D’autre part, à l’atelier, je privilégie la peinture sur papier et là c’est alors davantage pour expérimenter, pour mes recherches de composition, de couleur. C’est un travail qui se fait dans des temps différents selon le support.

Derrière le calque
25x 40 cm, collage, 2019

— Quelle est ta démarche ?

Elle se fonde sur des associations de fragments d’images qui peuvent être personnelles, trouvés dans des magazines, issus de films, ou de captures d’écran.
Par des interventions à l’acrylique, à l’huile et en dessin, je questionne ces éléments visuels, les décrypte et les décline en motifs...
Je suis une adepte du cinéma d’auteur comme Kubrick, Forman, Bergman, où le cadre est très présent, l’image esthétisée. Je pense que ce médium a une certaine influence sur ma création. Par exemple Barry Lyndon de Kubrick avec ces ambiances éclairées à la bougie et ces scènes qui ressemblent à des peintures. Et Le Septième sceau de Bergman avec cette figure de la Mort, de la grande Faucheuse qui évoque un certain mystère...

— La surface éclatée, l’"explosion" me semble un motif récurrent chez toi, comme les superpositions et la fragmentation d’images, peux-tu nous en parler ? Et aussi de tes motifs préférés, des thèmes qui reviennent dans ton travail ?

C’est vrai que la surface éclatée — comme une explosion, une sorte de surface étoilée — est redondante dans mon travail, quand elle n’est pas métamorphosée en pattes d’araignée cherchant à agripper quelques motifs fourvoyés à la surface du support.
En fait, avec les images sélectionnées, un choix s’opère peu à peu au cœur de mes manipulations : un détail ou une sensation va se dégager qui provoque alors l’évocation d’un souvenir, faisant écho à ma mémoire, à mon histoire personnelle. Des essais s’opèrent de superpositions, de confrontations, de déstructurations, de morcellements opérés par découpages et collages, où les fragments d’images s’intègrent et se fondent.
Mon univers est peuplé de visages, de scènes, de paysages, mais aussi de formes abstraites. Je joue avec notre perception pour que toute une iconographie suggérée, ou sous-jacente, laisse une place à l’imagination et au rêve.
Mon processus de création s’inscrit aux limites de la figuration.

— Procèdes-tu par série, par enchainement, ou chaque dessin est-il un monde en soi... ? Es-tu parfois dans la recherche de l’"amélioration" du dessin précédent (ou réserves-tu cela pour la toile) ?

Le temps d’élaboration est un facteur essentiel à ma démarche, je délaisse l’immédiateté inhérente au mode actuel de diffusion des images. Un travail souvent sériel apparaît, telle la forme araignée que j’appelle aussi chevelure...

— C’est très intéressant ce motif de surface étoilée qui se métamorphose en pattes d’araignée et en chevelure... Penses-tu qu’il s’agisse d’une métamorphose que ta main "découvre" en dessinant au fur et à mesure, ou que ton esprit fait par association... ?

Je pense qu’il y a une idée d’association, mais pas toujours. J’aime aussi être surprise par le hasard.
La création je la fais sur un temps plus ou moins long. Ça me permet de maîtriser la durée de construction d’une représentation tout en me sentant réactive et vivante au sein d’une société en overdose d’images !

— Sur le papier tu utilises le collage, le crayon, la peinture : comment ces différents outils se combinent-ils ? Pour quelle raison utilises-tu l’un, puis l’autre ? Que cherches-tu ainsi à rendre ?

Ces outils se combinent de façon à ce que les hachures dialoguent avec des assemblages de formes géométrisées et des papiers déchirés, souvent de couleur. Parfois la peinture montre le bout de son nez dans le dessin ou dans un collage, quelquefois aussi l’affirmation franche d’un papier opaque ou, au contraire, la translucidité d’un calque.

Saturation
digygraphie, 40x50 cm, 2019

— Le multiple (gravure, litho, riso, sérigraphie, livre d’artiste) est-il quelque chose qui t’intéresse ou pas ?

J’ai varié mes types de création avec de la sérigraphie, de la digygraphie, l’année dernière, j’ai réalisé un format en lithographie, j’aime la diversité du résultat. Ça permet également de davantage faire circuler mon travail.
Mais j’aime aussi que mes dessins soient uniques.
J’envisage par la suite de continuer en dessin, peinture, collage, comme je le fais actuellement. Et aussi de continuer à interroger le multiple, certainement refaire de la sérigraphie.
Et j’aimerais explorer l’idée d’une installation avec des papiers colorés de différentes factures.

Double jeu 3
29,7x 42 cm, dessin collage 2020
Incertitude 4
peinture collage, 24x30 cm, 2022
Incertitude 7
50x70 cm, collage peinture sur papier, 2021
Là et bien là
acrylique papiers découpés, 55x65 cm, 2018
Motif
sérigraphie peinture collage, 2020
Sans titre
50x70 cm, acrylique sur papier, 2020
Se bruler les ailes
installation dessin peinture collage, 2021
Se poser sur les ailes des oiseaux 1
dessin collage, 21x 29,7 cm, 2022
Se poser sur les ailes des oiseaux 2
dessin collage, 12x16,5 cm, 2022
Whisper 1
huile sur toile, 100x120 cm, 2022

Voir en ligne : https://cecile-degouy.fr

Sur Instagram : @ceciledegouy

Cécile Degouy est née en 1973. Elle vit et travaille à Angers dans les Pays de la Loire.

Image d’ouverture : Protégé des intempéries 2

© Cécile Degouy pour toutes les images.