lundi 1er janvier 2024

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All the living beings are the ghosts of the future

les spéculations onirogénétiques de Faye Formisano

, ArtsHebdoMédias et Véronique Godé

Pour le troisième volet de sa carte blanche art et sciences, La Cité des sciences et de l’industrie invite l’artiste plasticienne et vidéaste Faye Formisano à investir la galerie d’Universcience jusqu’au 24 mars 2024 : Tous les êtres vivants sont les fantômes du futur, All the living beings are the ghosts of the future est une fiction spéculative dont les dessins vidéographiques, les installations, les peintures sur voile ou les sculptures de verre nous plongent dans le laboratoire du chercheur Roderick Norman.

À la croisée des sciences et du fantastique, de l’onirisme et de la génétique, l’artiste inspirée par des recherches récentes en paléogénétique nous propose ici un voyage immersif dans l’univers de l’« onirogénétique », une science des rêves basée sur le postulat que l’ADN de nos os renfermerait les secrets de notre espèce.…

Du squelette d’un inconnu nous pourrions en extraire les visions ? Et pourquoi pas les rêves de ses vies antérieures ! Telles sont les spéculations de l’artiste Faye Formisano autant inspirée par les sciences, la danse, la littérature, le cinéma ou le dessin. Ainsi l’exposition dans laquelle elle nous propose de s’immerger jusqu’au 24 mars 2024 à la galerie Universcience de La Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris, s’articule autour des trois questions fondamentales qui l’animent : « combien de rêves gisent en moi, combien de genres gisent en moi, combien d’espèces gisent en moi ? » Outre l’axe de recherche scientifique et le caractère vertigineux que représentent aujourd’hui les spéculations sur la data et l’ADN, pour l’artiste qui nourrit une recherche plus large autour de la figure du monstre comme principe de métamorphose interrogeant la notion de lien entre l’humain et son milieu, il s’agit bien ici de questionner en chacun de nous, l’influence des entités qui nous composent.

À partir d’un corpus d’œuvres existantes et de créations originales sous les formes de sculptures — ou artefacts des expériences ? — All the living beings are the ghosts of the future, tous les êtres vivants sont les fantômes du futur, nous plonge par une installation spécifiquement conçue pour La Cité des sciences, dans l’univers du chercheur Roderick Norman et de ses dissections mentales.

Faye Formisano – Emanuele Coccia
capture d’écran issue de l’œuvre vidéographique, Heaven in matter, coréalisée avec le philosophe Emanuele Coccia. Production : Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains
Faye Formisano, capture de l’œuvre VR à 360° They Dream in My Bones, 2022
Production : Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains. Co-production : Caza d’Oro.
 Distribution : Diversion Cinema

On s’y retrouve dans les limbes du film VR stéréoscopique Insemnopedy II, They Dream in My Bones, qui fut récemment présenté dans de nombreux festivals internationaux tels que le Sundance Festival New frontier aux USA, ou DOK Leipzig en Allemagne, ou encore, au cœur de l’exposition Chrysalis : The Butterfly Dream au Centre d’art contemporain de Genève, le Mamco, en 2023. Mais ici, ni casque, ni lunette, ni manette. Le seul dispositif "high tech" si je puis dire, est la projection sur écran plat d’une fresque vidéographique, Heaven in matter, coréalisée avec le philosophe Emanuele Coccia, qui en écrit le texte, tandis que Faye Formisano en réalisa les dessins et l’animation tel un tissage ou un conte transfigurant l’Histoire des vivants et l’imaginaire, dans les métamorphoses d’une cartographie du ciel.

Faye Formisano, vue de exposition - Tous les êtres vivants sont les fantômes du futur – All the living beings are the ghosts of the future.
© Photo Faye Formisano

Ainsi, dans la scénographie proposée à La Cité des sciences, le public est invité à entrer physiquement dans les images, en traversant une installation de voiles, peints par l’artiste : une volonté totalement assumée par Faye Formisano dont la première formation fut celle de designer textile à l’École Duperré à Paris avant d’embrasser une carrière d’artiste, à l’issue de brillants débuts dans l’artisanat d’art et l’industrie du luxe, en rejoignant le Studio national des arts contemporains Le Fresnoy à Tourcoing.

En parallèle de son œuvre cinématographique et plasticienne, l’artiste qui rentre tout juste d’une résidence à La Villa Formose à Taïwan (XR immersive writing) réfléchit notamment à l’émergence de nouveaux dispositifs de perception immersive, tandis qu’elle poursuit une thèse à l’Université de Lille intitulée « Draper l’image : Usages et fonctions du voile comme manifestation des identités troubles dans le cinéma fantastique » : « Le voile renvoie à la notion de trouble, il incarne la fluidité et permet de nous situer entre la vie et la mort, le masculin et le féminin, l’humain et le non-humain », dit-elle dans l’amorce d’une réflexion métaphysique qui tend à ouvrir et déplacer l’objet de nombreux débats essentiellement centrés sur des questions d’ordre religieux ou politique.

Faye Formisano, Autopsie d’un rêve – Voiles de verre, série, 2023.
Peinture, sculpture email, verre. Mise en forme par l’artisane verrière Élise Dufour ©Photo Faye Formisano.

Dans des vitrines, à l’entrée d’une deuxième salle — cabinet de curiosité du Docteur Norman ? — quelques indices : une cage thoracique, une forêt ou d’autres parties du squelette semblent fossilisés dans la matière (peinte à l’émail par l’artiste et mise en forme par la verrière Élise Dufour), démultipliant les interprétations d’autant de visions fantasmées, inscrites à la surface du verre, son voile, qu’il nous faut encore décrypter.

Bien plus que l’illustration d’une découverte édifiante, All the living beings are the ghosts of the future, ou Tous les êtres vivants sont les fantômes du futur, est une hypothèse qui, en nous, vient semer le trouble. C’est une expérience propice à l’introspection, qui transcende les questions identitaires de territoires, de genres, de race ou d’espèce ; une intuition poïétique dont le mouvement vibratoire nous met à l’écoute de notre propre corps.

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Informations >
Tous les êtres vivants sont les fantômes du futur : une exposition de Faye Formisano avec la participation d’Emanuele Coccia, jusqu’au 24 mars 2024. Conseiller scientifique Universcience : Gaël Cherbau.

Cité des sciences et de l’industrie, 30, avenue Corentin-Cariou 75019 Paris. Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 10h à 18h, et jusqu’à 19h le dimanche. Tél. : 01 40 05 80 00. cite-sciences.fr

Visuel d’ouverture > Faye Formisano, vue de l’exposition à La Cité des sciences Tous les êtres vivants sont les fantômes du futurAll the living beings are the ghosts of the future. ©Photo Faye Formisano