jeudi 29 juillet 2021

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Aldo Caredda #18 Au pied du mur

Lost in the Supermarket #18

, Aldo Caredda

Aldo Caredda poursuit son œuvre aussi provocatrice que discrète, aussi implacable qu’ironique en répétant son geste, celui de la déposition d’une empreinte qu’il colle dans un recoin d’une institution artistique, d’un haut-lieu de l’art. Aujourd’hui, dans sa quête insensée du juste, il n’hésite pas à accomplir son geste au vu de tous, dans la grande salle de la nouvellement inaugurée fondation Pinault à l’ancienne Bourse de commerce.

Aldo Caredda Lost In The Supermarket #18, Bourse de commerce from TK-21 on Vimeo.

Manifestement personne ne prête attention à lui, à sa démarche, à son agenouillement à côté d’une gardienne devant le grand mur gris qui orne de sa vaine débauche puritaine le centre d’un cercle vide, à sa main qui se tend, discrète et dépose dans un trou qui semble avoir été fait à cet fin, son offrande.
Vide, il ne l’est pas ce désert de béton, car, à cet endroit, se tient un homme. Pas plus que les autres fantôme présents à cet instant, il ne prête attention à ce qui se produit. C’est que si tous les regards sont tournés vers lui, l’homme assigné à résidence dans ce cercle nu, lui ne dispose pas de cet appareil de contrôle qu’est un oeil. Élémentaire, mon cher Watson, puisqu’il n’a pas de tête. Ou plutôt, il n’en a plus. Coupée ? Non ! Fondue !
Ainsi va le monde. Ainsi va l’art. L’homme sans tête est l’œuvre. Les visiteurs, bien dressés à la déambulation par des décennies d’apprentissage dans les grandes surfaces, ne regardent qu’elle et ignorent le saltimbanque du dérisoire qui, agissant au grand jour, dissémine ses spores dans des zones arides.
Son geste, cette fois, s’accompagne d’un agenouillement. Il le fait devant ce mur face auquel personne ne pense à venir d’incliner, se lamenter, déposer un petit papier contenant une prière. Lui le fait. Il est seul et le seul, double vivant de l’homme sans tête, à y penser Il le fait face au mur, c’est-à-dire dos à l’art, au sujet de quoi personne ne semble disposé à s’interroger.
Chacun sait ce que c’est. Le musée, ce supermarket infini, est là qui le dit, l’affirme, le confirme. Et l’homme qui passe, portant le poids de son insignifiance, lui, s’incline devant l’impossible, s’agenouille devant l’impensable et ainsi accomplit quelque chose qui dépasse l’imagination en ce qu’il est capable de réaliser, au coeur même du désert qui enveloppe la pensée de son gris intense, une gradation dans l’intensité de l’aveu.

Installation de Urs Fischer (untitled 2011)
Untitled, 2011 est un groupe de bougies monumentales que l’on allume au premier jour de leur exposition : la réplique grandeur nature d’un célèbre groupe sculpté de la période maniériste L’Enlèvement des Sabines (1579-1582) de Giambologna, sept chaises diverses (d’un tabouret africain à la banale chaise plastique en passant par le fauteuil d’avion), que contemple l’effigie de l’artiste Rudolf Stingel (ami et pair d’Urs Fischer).