samedi 1er avril 2023

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Le Bonheur

, Patrick Dekeyser

Patrick Dekeyser poursuit son décryptage de notre psyché qui aujourd’hui se tient au seuil du bonheur.

Parce que sinon rien ne serait possible, ni pensable, ni même n’existerait. Sinon, mais sinon quoi ? Les docteurs, ceux qui portent ce titre quel que soit le domaine de leur activité, les docteurs donc, mais disons ceux qui sont les plus enclins à pérorer sur les fins dernières de l’humanité, ceux de la foi par exemple, ces docteurs s’exclament soir et matin sur l’avenir de l’homme, le genre humain quoi ! avenir sans l’existence duquel, sinon ils n’auraient pas grand chose à penser ni à dire, mais qu’ils considèrent comme leur pré carré, la zone d’investigations qui serait, donc, interdite aux autres, entendons à chacun, individuellement.
Étant entendu que la détermination des fins de l’homme est la question indépassable de toute existence, disent-ils, ils pérorent croyant ainsi tenir en leurs mains frêles les chances d’une rédemption nécessaire et d’une absolution sous condition. Conditions qu’ils fixeraient, eux et eux seul, évidemment !
Et pourtant quelque chose vient qui fait gripper l’ample et beau mouvement de la chair en son extension désirable vers les confins d’un ventre qui s’approche et retomber l’espérance que ces docteurs ont mis dans l’indéracinable genre humain dont ils jouent parfois si bien à ignorer qu’ils font partie ! Quelque chose, en eux, se produit que cette distance écartèle jusqu’à rendre l’idée que ces humains puissent sans souffrance parvenir à se couler dans les vêtements de la grâce, aussi insupportable que délétère.
Car, voilà, il y a la robe de chambre et le lent ressassement de tout dans le parloir intime, et ce parloir n’est pas ce cagibis qu’on croit dédié aux petits secrets et aux grandes ambitions ! Non ce qui se produit là parle la langue de la guerre, entendons par guerre ce minuscule remugle de passion rance mais vivace qui poursuit son travail d’expectoration et pousse le charroi du sang, des humeurs et des salives sur la route de la vindicte.
Pourtant, ils se trompent ces docteurs de la foi, sur ces intentions mirifiques qui débordent des lèvres de la foi du dimanche qui ensemence les gorgées bues à la table des jours. Rien de mieux qu’un petit tambour pour réveiller les passions, et qu’elle puissent être tristes ne change rien, ce sont des passions. Et leur évocation suffit à faire de la guerre au temps, un combat digne et grandiose.
Et les docteurs s’épuisent à chercher dans les postillons de l’existence des signes de victoires et des bases pour la création d’un empire ! Alors qu’il est là, simplement là dans l’affirmation d’un bonheur à nul autre pareil, celui du vent qui traverse les bronches et vient s’évanouir non sans avoir dispersé un peu de la poussière des jours dans le vide des jours qui se retirent alors en silence, petits figurants sévères de la grande journée de la vie.
Jusqu’à la prochaine fois ! Ah, quel bonheur !